Embarquement immédiat !

Laura
Laura

le 07/07/2018 à 12:21

... trois tee-shirts blancs, appareil photo, deux paires de chaussettes, lunettes de soleil, assise sur le bord du lit, Laura coche sur sa liste tout ce qu'elle ajoute dans sa grande valise zébrée blanche et noire. Mes mots croisés, ma brosse à dent, elle zigzague entre toutes ses affaires éparpillées sur le plancher de la chambre, esquisse deux pas de danse sur la musique qui swingue à la radio, tout en continuant son inventaire.
Ah oui, ne pas oublier mon passeport, j'ai dû le ranger près du téléphone...
Laura
Laura

le 07/07/2018 à 12:30

...j'entame, tout de go, cette nouvelle histoire. Qui veut partir pour des vacances d'été, drôles, curieuses, idéales, sinistres ou incroyables ? Attention "embarquement immédiat !"
Sandrie
Sandrie

le 07/07/2018 à 15:00

Téléphone dont la sonnerie retentit soudain tout à propos.
"Allô ! Gaspar Bollivi de l'agence de voyage Destinations méconnues, nous vous confirmons que votre vol Kazakh Air Lines 80016 pour Samarkand décollera, demain, d'Orly à 6H35. Votre correspondance pour Khodjent est prévue, elle, à 19H35 heure locale. Vos billets sont à retirer à notre comptoir, entrée D, Niveau 1, Hall B5, Couloir C8, Terminal Sud, deux heures minimum avant l'embarquement, de préférence entre 3H37 et 4H02. Toute l'équipe de Destinations méconnues vous souhaite un excellent voyage !"
Laura remercie, raccroche, rayonnante, heureuse.
Elle ouvre le tiroir de la commode et attrape le feuillet qu'elle a imprimé lorsqu'elle a réservé son voyage en ligne, il y a six mois. Un argumentaire publicitaire alléchant qu'elle connait maintenant sur le bout des doigts :
"Sur les pas de Marco Polo, partez à la découverte d'une destination unique, ressourcez vous au coeur de la vallée des Merveilles. Découvrez ce nouvel Eldorado qu'est le Khodjenkistan, ancienne province du Tadjikistan devenue indépendante en 2016.
Avec ses paysages à couper le souffle et la gentillesse millénaire de ses habitants, vous serez ensorcelé par l'atmosphère paisible de ce petit pays en plein essor économique où il fait bon vivre !"
Voilà un été qui commence sous les meilleurs auspices.
Laura
Laura

le 08/07/2018 à 09:21

Demain à 6h35 ! Quelle heure est -il ? Bientôt midi. Monsieur Henri doit être chez lui, il m'a promis de m'emmener à Orly, mais au milieu de la nuit ...

Laura met ses sandales, attache ses cheveux face au miroir, se fait un sourire, prend ses clés et descend les quatre étages de son immeuble en glissant dans l'escalier, traverse la rue pour sonner en face, au 17. C'est un petit pavillon de banlieue aux volets bleus. C'est Monsieur Henri qui lui ouvre, un retraité des taxis, le plus gentil des papys :
- C'est toi Laura, c'est où que tu vas déjà ?
- Au Khodjenkistan, mais l'avion décolle demain à 6h35 et... il faudrait y être deux heures avant...
- Bon, ben ce sera même pas la peine de se coucher alors ! Le mieux, ce serait d'aller ce soir au petit resto, chez Jacky, on part à la fermeture et puis en voiture, sans embouteillages, sans se presser, on sera dans les temps à l'aéroport, après tu dormiras dans l'avion, ça te va ?
Bien sûr, que ça lui va ! Elle dit mille remerciements, elle promet d'envoyer des cartes postales et elle retraverse la rue en trottinant.
Ah oui, ne pas oublier de mettre ma lime à ongles dans la valise...
Sandrie
Sandrie

le 09/07/2018 à 13:21

... cette lime à ongles, fait contrariant, qui n'est pas dans la trousse-kit manucure et pédicure Beauté Parfaite, sur l'étagère gauche au-dessus du lavabo de la salle de bain rose. Tout comme le passeport n'est pas non plus à côté du téléphone !
Tout, pourtant, aurait bien dû être en ordre si seulement la plantureuse-extravagante-hypocondriaque Josiane Marado, ex-compagne illégitime notoire de Monsieur Henri et concierge de l'immeuble depuis 28 ans 1/2, ne s'était pas introduite absolument subrepticement dans le trois-pièces de Laura, la veille à 15H36 !
Mais lorsque Laura remonte, deux à deux, les marches de l'escalier en colimaçon du 41 rue Ferragus à Aubervilliers, elle ignore encore tout cela. Pas plus qu'elle ne se doute qu'exactement 72 heures plus tard, pieds nus dans la poussière, poursuivie par une pétaradante mobylette jaune importée de Russie, affublée d'un pneu arrière dégonflé, sur laquelle chevauche l'hirsute et grimaçant Loukhir Petrochnikov, elle se carapatera le long de l'A376 en direction de Chigdalik, avec dans les bras l'encombrante chèvre Emomalia.
Laura
Laura

le 09/07/2018 à 16:53

nota : pour le lecteur friand de rebondissements, je pense que cette "succession de tuiles" présentes et à venir, sera un régal !
Par contre pour recoller les morceaux avec toutes ces futures péripéties du récit... ce ne sera pas du gâteau !
Mais courage, avançons...
Laura
Laura

le 09/07/2018 à 17:03

Bientôt 18 heures. La valise est prête mais impossible de mettre la main sur ce maudit passeport !
Où est-il passé, bon sang de bonsoir ?
Laura essaie de ne pas s'énerver. Elle s'assoit en tailleur au beau milieu du tapis du salon, ferme les yeux et mentalement, fait le tour de tous les recoins de l'appartement où elle a déjà cherché. Non vraiment, elle a bien regardé partout, ce n'est pas possible !
Elle ouvre les yeux et son regard se porte alors sur une boulette de papier dissimulée sous le radiateur. A quatre pattes, par curiosité, elle va saisir ce petit morceau de papier qui s'avère être un emballage de Bounty !
Madame Marado, pense-t-elle immédiatement. Il n'y a qu'elle, pour se gaver de Mars et de Bounty ! Que fait cette pièce à conviction dans mon salon ?

Laura se relève, déterminée. Il est 18 heures. Elle ouvre la porte fenêtre et se place en embuscade sur son balcon. C'est l'heure où Marado va sûrement sortir Caramel, son vieux teckel. Elle surveille, quelques étages plus bas, la sortie de l'immeuble, observe les allées et venues dans la rue et la voici. C'est elle. La concierge s'éloigne à petits pas, Caramel trainaillant derrière elle au bout de sa laisse.
Ni une, ni deux, Laura dévale les escaliers et se retrouve au rez - de -chaussée, devant la loge.
La porte n'est pas fermée à clé...
Sandrie
Sandrie

le 11/07/2018 à 11:23

Laura se glisse dans la pièce vitrée sans trop savoir ce qu'elle fait là. Car, enfin, pourquoi diable, Marado serait-elle entrée chez elle pour lui dérober son passeport ? Cela n'a pas de sens.
Où chercher ? Comment s'y prendre ?
Laura reste quelques secondes, immobile, plantée, là, au milieu des végétaux et des innombrables bibelots accumulés au fil des années.
Soudain la porte s'ouvre et retentit la tonitruante voix de Josiane :
-Laura ! Cela tombe bien que vous soyez ici ! J'ai trouvé votre passeport dans le local poubelle. Je voulais monter pour vous le rendre mais avec les problèmes urinaires de Caramel et les frasques de Truffe, le chat de votre voisin, je n'ai pas eu une minute à moi !
-Ah ! répond Laura, déglutissant péniblement. Et vous n'auriez pas retrouvé ma lime à ongles, aussi ?
-Votre ?!
-Laissez tomber ! Bonne soirée, Madame Marado !
Laura attrape son passeport, ainsi que le chewing gum qui s'y trouve collé, s'enfuit de la loge, remontant chez elle en trombe.
Ne pas oublier mon masque et mon tuba pour la plongée à Kaïrakkoum, un lac aux eaux cristallines, comme ils disent sur le site du voyagiste. La valise est pleine. A mettre dans mon sac à main.
Laura
Laura

le 11/07/2018 à 20:03

Il est 3h40 du matin quand Monsieur Henri gare sa Passat Volkswagen dans l'immense parking de l'aéroport.
Il accompagne Laura, tailleur sport en coton mélangé beige très souple, tee-shirt gris-vert, souliers plats et grand sac-besace en cuir sur l'épaule, jusqu'à l'entrée D, en tirant derrière lui la valise zébrée.
Il y a peu de monde dans l'aéroport et l'ascenseur est tout de suite disponible. Dans le hall B5, Laura s'arrête dans une des boutiques, la seule ouverte, pour acheter une lime à ongles ...

- Laura, tu ne veux pas emmener quelques bons biscuits français au Khobendistan ? Ils mangent quoi là-bas ?
- Kho - djen - kis- tan ! reprend-t-elle en articulant lentement et en regardant Monsieur Henri droit dans les yeux. Puis elle ajoute en sortant son masque et son tuba : j 'ai de quoi grignoter dans l'avion, merci ensuite, et elle étire ses bras devant elle comme une plongeuse,
immersion totale dans la culture, le folklore et la gastronomie locale.
Comme un petit attroupement commence à se former autour d'eux, ils se dirigent vers le Terminal Sud et Laura ne voit pas la petite moue dubitative de Monsieur Henri.
Laura
Laura

le 13/07/2018 à 20:31

Dans la file d'attente au comptoir de Destinations méconnues, Laura remarque sur la couverture du magazine que tient une petite dame devant elle, l'affiche du magnifique film qu'elle a vu il y a quelques jours : Woman at war. Dans les splendides paysages islandais, la lutte guerrière d'une femme, à l'intelligence malicieuse, contre les pylônes et les lignes électriques. Un message écologique donc, qu'elle a beaucoup apprécié.
Elle se remémore le film puis ses pensées glissent vers les paysages de l'Ouzbékistan. Bientôt Samarkand, la ville- étape de la Route de la soie et puis la vallée de Fergana entourée de hautes montagnes et puis les jolis lacs d'altitude....
Sandrie
Sandrie

le 14/07/2018 à 16:37

Et, enfin, une cité kaléïdoscopique de palais éblouissants et somptueux, aux mosaïques et faïences turquoise, de mausolées ornés de marbre, jade et onyx. Laura serpente dans les ruelles pavées ombragées, découvre des jardins secrets où embaume le jasmin. Elle se laisse emporter par une irrépressible envie de dormir, ferme les yeux, bercée par cette douce rêverie dont la voix de l'employée du Tour Operator ne parvient pas totalement à rompre le charme. On lui donne pourtant sa pochette de voyage avec les remerciements, félicitations et voeux de bons voyages de l'agence Destinations méconnues. Au plaisir de vous revoir pour un prochain voyage !
Laura se dirige maintenant vers l'enregistrement des bagages, dans un état de semi-conscience dont elle ne parvient pas réellement à sortir.
Soudain, parmi les voyageurs qui tirent bagages et enfants, la jeune femme reprend brutalement contact avec le monde réel. Il lui semble avoir entrevu Madame Marado ! Encore, elle ! Comment est-ce possible ? Que fait-elle ici ? Et dans une tenue inhabituelle et assez peu seyante, qui plus est ! Des baskets orange, un jogging moulant rose, un sac-à-dos vert et un visage joliment amoché par un oeil au beurre noir. Madame Marado ! Josiane Marado, elle, qui porte toujours, été comme hiver, robe fleurie et blouse grise. Elle qui n'est pas censée entrer chez les gens en leur absence, ni passer ses nuits à Orly !
Laura se met sur la pointe des pieds pour mieux voir, elle veut en avoir le coeur net. Mais déjà, la fugitive apparition s'est évanouie, laissant à Laura une impression de malaise. Elle préfère croire que ce n'était encore là que le fruit de son imagination. Elle se range face au guichet d'enregistrement des bagages de Kazakh Air Lines. Un adorable brun lui tend sa carte d'embarquement et elle se dirige lentement vers la douane.
Laura
Laura

le 15/07/2018 à 12:53

- "Mademoiselle, veuillez nous suivre s'il vous plait."

Deux policiers ont surgi de chaque côté d'elle et Laura a un sursaut quand ils lui prennent chacun le bras pour la conduire dans le couloir derrière les guichets d'embarquement, puis sur la droite dans le local avec le panneau tricolore : POLICE NATIONALE apposé sur la porte grise.
Laura se retrouve face à un bureau encombré de dossiers et d'un ordinateur volumineux, ancien modèle. La pendule sur le mur gris indique : 6h05.
Le plus jeune des deux policiers tourne l'écran vers elle et Laura découvre avec stupeur un portrait-robot qui lui ressemble étrangement.
- "Vos papiers, s'il vous plait" demande son collègue. Tout en sortant son passeport, elle détaille le visage au front dégagé, encadré d'une chevelure bouclée qui effleure les épaules. La courbe des sourcils est nette, le nez droit et le bas du visage est fin avec une bouche délicate. C'est en effet troublant à quel point cette image lui ressemble.

-" Vous vous appelez Laura Florent et vous habitez 41, rue Ferragus à Aubervilliers, Seine Saint Denis.
- C'est bien ça, répond Laura mécaniquement, mais ...
- Je vous demande quelques petites minutes, nous serons vite fixés."
Vite fixés ! répète mentalement Laura. Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Je prends l'avion tranquillement, je pars en vacances et me voilà embarquée au poste par deux flics ! Embarquement immédiat ! Mais, il y a erreur... Toutes ces pensées bouillonnent dans sa tête. Elle serre nerveusement la bride de son sac. Le jeune policier tape sur son clavier. Le silence dans le petit espace gris de ce poste de police miniature la laisse tétanisée. Puis il prend le téléphone tandis que l'autre fait les cent pas derrière elle. Laura lève les yeux vers le cadran : 6h15.

-" Pas de casier, dit le jeune policier.
- ....
- Aubervilliers.
- ....
- St Benoit- sur- Loire, le 3 mars 1986."
Laura est suspendue à ses lèvres, elle attend la suite, comme si du verdict qui tomberait après toutes ces indications dépendaient son avenir, sa liberté, sa santé mentale, ses vacances.
6h 20, il raccroche.
- " C'est bon. Merci Mademoiselle, vous comprenez qu'une vérification s'imposait," ajoute-t-il en montrant l'écran.
Laura desserre ses mains crispées de la bride de son sac et laisse un long soupir de soulagement s'échapper de sa gorge nouée.

Ensuite, tout va très vite. Escortée, guidée, elle arrive juste à temps dans l'avion où sont déjà installés tous les passagers, tandis que résonne le dernier appel :
les passagers du Vol 80016 Kazakh Air Lines à destination de Samarkand, Embarquement immédiat !
Laura
Laura

le 17/07/2018 à 20:24

Laura regagne sa place à côté d'une jeune fille blonde qui semble très pâle, pas très à l'aise et qui lui avoue que c'est la première fois qu'elle prend l'avion. Laura essaie de lui parler pendant le décollage mais la petite jeune fille regarde par le hublot, en serrant les dents et s'accroche aux accoudoirs de son siège. Alors Laura lui raconte l'histoire de Marco Polo, qui vers l'an 1500 a fait un magnifique voyage, parfois à dos de chameau pour parcourir l'Asie en passant par Samarkand, découvrir la Chine et aller chercher de beaux tissus de soie et des épices aux saveurs rares. Au fur et à mesure du récit, la demoiselle, très attentive, commence à se détendre ...
Laura
Laura

le 19/07/2018 à 21:24

Arrivées à Samarkand, elles sont déjà amies, mais il faut se dire au revoir. Laura reprend sa correspondance pour Khodjent et dès qu'elle entre dans le hall du petit aéroport, un homme qui semble la reconnaître l'aborde discrètement
- Nathalia... livraison ce soir, près des remparts...vers minuit....
Etonnée, elle dévisage ce grand escogriffe ébouriffé ! Mais c'est qui celui-là ? Elle cherche à l'éviter et heureusement les clients de son hôtel sont invités à se rassembler, deux grands gars brandissent un petit écriteau : Hôtel Ravebga. Laura s'empresse de suivre les cinq ou six touristes, roulant derrière elle sa valise zébrée, qui est hissée en un tour de main sur le toit du minibus rouge et noir en assez piteux état, il faut bien le dire, par les deux jeunes hommes costauds, en chemise à larges manches resserrée à la taille par une bande d'étoffe, large ceinture colorée.
Tandis que Laura prend place dans le véhicule, une bruyante mobylette jaune tourne sur la place comme une guêpe autour d'un pot de confiture. Elle colle le mini-bus quand il démarre en direction de l'A 376 et Laura essaie de s'informer auprès d'un des deux jeunes hommes sur l'identité de ce gars ébouriffé. Il s'agirait de Loukhir Pétrochnikov, tristement réputé pour tremper dans un réseau de trafic de drogue, ce fléau qui sévit au Khodjenkistan.

Mais alors que Laura ouvre des yeux comme des soucoupes en écoutant ces révélations, un claquement fait sursauter tout le monde et le mini-bus fait une embardée avant de s'immobiliser sur le bas-côté de l'A 376. Le pneu vient d'éclater. Vite les deux gars sortent roue de secours, outils, cric et avec l'aide des passagers, les bagages sont illico presto redescendus du toit du minibus, pour éviter trop de poids lors de la manoeuvre.
Laura les regarde réparer et observe aussi, un peu plus loin, un troupeau de chèvres qui traverse tranquillement l'autoroute, profitant d'un moment sans circulation pour suivre leur berger, pas stressé,qui s'éloigne sans se presser vers les quelques maisons paysannes de l'autre côté de la voie express....

Mais voici que revient, à toute vitesse, la pétaradante mobylette et qu'une chèvre bien imprudente est encore en train de traîner au beau milieu de la chaussée. Sans réfléchir et pour éviter le pire, notre héroïne bondit sur la deux fois deux voies, attrape à pleins bras l'encombrante chèvre pour la sauver d'un bien funeste destin et c'est ainsi que débutent les époustouflantes aventures de Laura au Khodjenkistan !
Laura
Laura

le 21/07/2018 à 21:34

Ensuite, il serait bon d'observer la scène qui suit au ralenti....
Laura, chargée de son encombrante protégée, atteint en courant péniblement le bord de la route juste au moment où Loukhir Pétrochnikov tend le bras, en passant plein gaz sur sa mob jaune au ras de la jeune femme, pour essayer d'attraper son abondante chevelure bouclée. Encore une foulée, Laura parvient à se pencher en avant, la chèvre suit le mouvement et elles échappent toutes deux au motocycliste qui continue sa trajectoire en jurant à tous les diables. Laura elle, commence à ralentir sa course et perdant peu à peu de la vitesse, se rapproche petit à petit du berger qui lui, ne s'inquiétant de rien, poursuit paisiblement son chemin.
Laura
Laura

le 23/07/2018 à 20:08

Laura pose alors sa protégée au sol et la laisse regagner le groupe des chèvres tandis qu' elle rebrousse chemin pour rejoindre le groupe des touristes. Le minibus est prêt à reprendre la route, un coup d'œil sur le toit pour vérifier que sa valise zébrée est bien amarrée et Laura s'assoit à sa place, sur la banquette en skaï rouge. Bientôt le véhicule quitte l'A 376 pour une petite route bien plus agréable....
Sandrie
Sandrie

le 24/07/2018 à 23:36

Au même moment, dans sa chambre climatisée, au deuxième étage de l'hôtel Shokhkand, à deux kilomètres deux cents de l'aéroport international de Khodjent, Rinat Dasavkovitch, ancien footballeur, Maître émérite des sports de l'ex-URSS recyclé dans le journalisme économique, envoie un SMS à la délicieuse Nathalia avec qui il compte passer la soirée et une partie de la nuit.
Il s'étire, ouvre son ordinateur portable et relit, en russe, le papier pour lequel son chef de service à la Nezavisimaya Gazeta, l'a expédié dans ce trou paumé, au fin fond des anciennes provinces soviétiques :
LE KHODJENKISTAN A-T-IL TROUVE LA CLE DU BONHEUR ?
La République du Khodjenkistan a pour ambition de devenir un modèle économique novateur. La particularité du projet national, porté par une population nationaliste dynamique de 300 000 habitants, est la recherche du bonheur à travers l'amélioration fulgurante du niveau de richesse. Dans une volonté de se tourner résolument vers l'avenir, le gouvernement a convoqué les plus grands experts de la planète, pour doter le pays d'un P.E.M.H. (Plan d'Entrée dans la Modernité Heureuse). Les dits experts, après plusieurs semaines d'audits et d'expertises, ont déterminé qu'un niveau de bonheur minimum acceptable pour tous, quantifié à 70 %, serait atteint si chaque habitant pouvait disposer d'une habitation climatisée, d'une voiture diesel, d'une télévision à grand écran plat et de symboles nationaux forts. Un Plan a aussitôt été voté à la majorité absolue au Parlement, celui-ci comporte trois grands axes : la production de masse, la redistribution, la cohésion nationale.
LA PRODUCTION DE MASSE :
L'essor économique du Khodjenkistan repose depuis 2016 sur l'exploitation à grande échelle du gaz de schiste. Ce petit pays d'une superficie d'à peine 8000 km2 se donne les moyens de devenir bientôt le plus grand exportateur d'énergie de cette partie du monde. Le gouvernement s'est ainsi engagé à construire et à mettre en service cinq centrales nucléaires avant 2030.
Un partenariat avec la Russie a été mis en place pour l'implantation de la firme automobile ZIL au Khodjenkistan.
LA REDISTRIBUTION :
ZIL devrait bientôt pouvoir fournir à chacun des 300 000 habitants un véhicule diesel à bas prix. Les voitures seront en partie subventionnées par l'exportation du gaz de schiste. Chaque foyer recevra avant 2022, un bon d'achat pour un écran Home Cinema Dolby Vision.
LA COHESION NATIONALE :
A partir de la rentrée prochaine, la scolarité devient obligatoire pour tous les garçons âgés de 6 à 14 ans, deux heures par jour seront consacrées à la pratique du football. La création d'une équipe de football capable de gagner la Coupe du monde en 2022 devrait permettre aux Khodjiks d'atteindre un haut niveau de bonheur.
Laura
Laura

le 26/07/2018 à 10:04

Rinat Dasavkovitch corrige une petite faute de frappe et envoie son article, avant de refermer son ordinateur.
- C'est du bon boulot, se dit-il, et maintenant je passerais volontiers une bonne petite soirée à la terrasse du Café Ravshan.
Mais aucun message de Nathalia... où est-elle encore passée ? Le journaliste pensif, se sert un verre, ouvre la fenêtre de sa chambre d'hôtel, l'air est frais après cette journée étouffante et, face au paysage de montagnes en arrière-plan de la petite place, il regarde la palette des belles couleurs qu'offre le crépuscule.

Laura vient d'ouvrir la vitre du minibus, en tournant énergiquement la manivelle, afin d'admirer la nuit qui, petit à petit, teinte le ciel d'un bleu profond avec des reflets violets sur le lac de Kaïrakkoum que l'on devine au loin, droit devant. Par la lunette arrière, c'est la plaine de Khodjent qui allume, une à une, ses petites lumières. A sa gauche, à l'horizon, les crêtes de la chaîne de montagnes, frontière avec l'Ouzbékistan, se détachent en bleu très sombre sur le jaune-orange flamboyant que le soleil a laissé en glissant derrière les sommets. Ces hautes montagnes s'étendent tout là-bas et encerclent le paysage gagné par l'obscurité, tandis qu'à l'Est, les pentes douces de monts plus anciens, séparation d'avec le Kirghizstan, sont ourlées d'un violet plus clair et la route fait à présent quelques larges lacets pour amener le voyageur émerveillé à flanc de coteau, sur un plateau, dernier relief paisible avant les grandes montées, les à-pics rocheux et les ravins dangereux.
Dans cette petite oasis où les silhouettes des arbres se balancent ça et là, le petit village, aux maisons basses dont les jardins sans barrière bordent la route, se révèle peu à peu aux yeux de Laura qui discerne, malgré la nuit tombante, là, les bancs de bois d'une petite place, ici le roucoulement de l'eau d'une fontaine et plus loin, une fine tour, vestige d'anciens remparts ou minaret, repère de prières, qui s'élance vers le ciel maintenant constellé d'étoiles.
Si l'hôtel Ravebga est beaucoup moins étoilé, les petits lampions en guirlande qui éclairent son seuil lui donnent un charme désuet qui enchante Laura.
Le minibus se gare sur la petite place, juste devant l'hôtel.
Laura
Laura

le 28/07/2018 à 11:05

Rinat Dasavkovitch s'est réveillé de bonne humeur et depuis ce matin, tout lui sourit. En sifflotant dans les rues de Chkalovsk, il va d'un bon pas vers la place pour acheter un exemplaire de la Nezavisimaya Gazeta et, après les félicitations qu'il a reçues dans ses mails tout à l'heure, il voudrait voir si son article est en bonne place dans le quotidien russe : Rinat Dasavkovitch a -t-il trouvé la clef du bonheur ? ou presque !
Certes, Nathalia est toujours introuvable et elle n'a laissé aucun message, mais hier à la terrasse du Café Ravshan, il a rencontré un personnage étonnant, un ornithologue illuminé venu de sa Turquie natale pour observer les fauvettes de Sykes sur le lac de Kaïrakkoum. Cet homme a l'art de raconter : son récit est émaillé de chants d'oiseaux qu'il imite à la perfection, il prend des postures comme s'il avait réellement deux ailes et évoque avec humour mille pays où il a répertorié des cormorans, des grues cendrées, des outardes, rapaces, passereaux et autres volatiles. C'est vraiment un drôle d'oiseau ! Il l'a invité à diner tout naturellement, sans doute ravi de trouver une oreille attentive et ils se sont promis de se retrouver encore, ce soir-même.

Comme la marchroutka , le minibus en tadjik, repart vers la ville proche, Laura se dépêche, après une bonne nuit dans le confortable lit de sa petite chambre fort agréable, de rejoindre Mir et Azad, les deux gentils gars de l'hôtel qui lui apprennent le tadjik, cette langue issue du persan parlée au Tadjikistan et dans cette région du monde et ils s'amusent de son accent.
Pour l'instant, elle sait dire Bonjour : Salom et merci : Rakhmat et aussi Choy qui veut dire thé, puisqu'elle a pris, en hâte, son petit-déjeuner dans la salle de l'hôtel, pour ne pas rater le départ de la marchroutka !
Le moteur tourne déjà quand elle sort de l'hôtel, son grand sac-besace sur l'épaule. Attention embarquement immédiat pour Chkalovsk !
Laura
Laura

le 30/07/2018 à 09:25

Sur la grande place de Chkalovsk, quelle activité !
L'espace est encombré par tous les étalages des marchands qui interpellent les passants, tendent des paniers de fruits, déplient de belles tuniques et laissent entendre qu'ils feront un bon prix, proposent des petits souvenirs, souvent décorés de fines mosaïques pour plaire aux touristes. Les deux-roues se faufilent entre les étalages, parfois des ânes et leur charrette barrent le passage. De jeunes hommes déballent la marchandise d'un vieux camion, un vieil homme circule avec un grand plateau qu'il tient habilement d'une seule main et souriant, vous désigne un des petits verres d'une boisson qui semble être appréciée ici et que plusieurs mains viennent saisir en échange d'une pièce laissée sur le plateau.
Ici, il faut payer en somoni tadjik (1 euro = 6, 12 TJS) et en dirhams pour la monnaie, Laura en a fait le change avant de partir de Samarkand. D'ailleurs quelques rues plus loin, elle s'achète une jolie tunique brodée, chasuble sans manche donc, qui lui arrive mi-mollets et comme elle est habillée tout en blanc ce matin, pantalon léger et tee-shirt blancs, elle décide de la garder, il ne fait pas trop chaud et elle peut se fondre dans la foule, elle fait très "couleur locale", ainsi vêtue !
Sortant de la petite échoppe, en répétant :" Rakhmat ! Rakhmat!", elle poursuit son chemin vers une place plus calme, où les terrasses des cafés prennent leurs aises et où de jolis arbres aux allures de palmiers se penchent vers l'entrée d'un bâtiment couleur sable, à l'architecture sobre, que Laura compare carrément à un grand château de sable ! A-t-elle pensé à emmener son appareil-photo ? Elle le cherche dans son sac-besace ...

Rinat Dasavkovitch n'en croit pas ses yeux !! De la fenêtre de sa chambre d'hôtel qui donne sur les terrasses des cafés dont celle du Ravshan, il voit deux Nathalia !!
Cette chevelure bouclée, très noire, il la repère tout de suite. Il y a cette femme assise, très concentrée sur son smartphone devant un café et quelques beignets. Et puis l'autre, debout, vers le fond de la place et qui prend des photos. Même chevelure, même silhouette svelte, laquelle est Nathalia ?
Prenant sa veste, à toute vitesse, il ressort de sa chambre, se hâte, prend l'escalier au lieu d'attendre l'ascenseur... Lui qui n'arrive pas à mettre la main sur Nathalia, en voici deux, à présent !
Il pousse les portes vitrées et se retrouve à l'extérieur, dans la chaleur un peu sèche de ce début de journée et des yeux, refait le tour de la place. L'une est toujours attablée, par contre où est l'autre ? Il avance vers le Musée historique de la Vallée de Ferghana, au fond de la place,mais elle n'est plus là, ni dans les parages, alors il revient, curieux, vers la terrasse, en enfilant sa veste tout en marchant, sans perdre de temps...
Laura
Laura

le 30/07/2018 à 09:29

Je souhaite de bonnes vacances à Sandrie qui, je crois, est partie...
un peu moins loin que le Khodjenkistan... et qui, j'espère, à défaut de cartes postales,
nous écrira quelques paragraphes ? La porte du Khodjenkistan est d'ailleurs ouverte à tous ceux qui souhaitent écrire avec nous...

Pages : 1 2

Répondre à ce message

Vous n'êtes pas autorisé à poster un message sur le forum.