La recherche documentaire

ecrivonsunlivre Par Le 07/03/2017 10

Dans Devenir écrivain : nos conseils en écriture

La recherche documentaire

Les grandes lignes

Souvent, nous partons sur une idée d’histoire, plus ou moins floue, mais qui se modifie au fil des pages. Beaucoup d’idées nous viennent et il est difficile d’en faire le tri. Ce que je fais : je note tout sur un petit carnet afin de ne rien en perdre et je vois ensuite ce qui est exploitable.

Partir sur une idée floue n’est pas la meilleure chose. Il faut au contraire bien ficeler son idée de départ, savoir ce qui arrivera aux personnages même si les faits risques de changer au cours de l’écriture.

En ce qui concerne mon roman, ce sont mes recherches documentaires qui vont donner le « la ».

Je souhaite parler des sorcières, et pour être plus précise, de la condition des femmes du Moyen-âge d’après des faits historiques.

Je ne suis pas historienne, mais cette période m’a toujours fascinée et je connais quelques réalités.

Durant une grande partie de cette période, les femmes étaient plus instruites que les hommes, qui eux, partaient à la guerre. Elles étaient entre autres médecins et on les appelait sages-femmes.

À la fin du XIIIe siècle, le pouvoir civil demande au pape une bulle afin d’autoriser la création d’une université où l’on pourrait par exemple enseigner la médecine. Aussi cette discipline était exercée par les femmes et la faculté n’eut aucune autorité, le public n’ayant pas confiance en la science des hommes. Par jalousie on interdit donc aux femmes l’entrée de l’université et aux professeurs de se marier. Je vous laisse imaginer les dérives qui en découlèrent… Les femmes pratiquant la médecine furent suspectées de sorcellerie.

C’est ce fait historique qui sera la ligne directrice de mon roman.

Mais avant de me lancer dans mon brouillon, il me faut absolument vérifier tous les faits, les placer sur la ligne du temps, les entrecouper afin de faire évoluer mes personnages dans un contexte historique proche de la réalité.

De même, c'est une période dont on ne peut absolument pas être fiers, il faut vraiment que je colle à la vérité afin de ménager les suceptibilités. Donc pas d'extrapolation, pas la peine non plus de noircir le tableau qui est déjà très sombre. Le fond historique de l'histoire doit être basé sur des faits réels.

Pour ce faire, je commence par ratisser large : Google et Wikipédia. Mais je garde à l’esprit de toujours vérifier mes sources.

Je trouve quelque part la date de la première sorcière morte au bûcher. C’est à Carcassonne en 1274 qu’elle fut brûlée vive. Adèle serait la première femme à être jugée par le Sénéchal Pierre de Voisins. C’était la première fois que l’inquisition rendait un jugement par les tribunaux quisitoriaux.

C’est donc, forte de ces quelques noms et cette date que je poursuis mes recherches sur LE site où l’on trouve tout : Gallica, le site de la Bibliothèque Nationale de France. J’y passerais ma vie !

Je tombe sur quelques ouvrages parlant de cette « anecdote ». Finalement, rien ne prouve qu’elle s’appelait Adèle, mais je déniche quelque chose de très intéressant : le marteau des sorcières.

Je découvre un livre d’une méchanceté grotesque, comparable à un rituel de sacrifice humain, une sauvagerie codifiée qui permit le sacrifice de millions de malheureux, enfin, de malheureuses, car comme disait l’inquisition de l’époque « La femme est plus volage que l’homme, plus facile à suborner, d’une inconsistance de complexion qui donne plus aisément prise au diable sur elle ; parce qu’elle a la langue plus mobile, ne sait rien garder et s’épand plus immodérément que l’homme en indiscrétions et sottises de toutes sortes… – Extrait du Marteau des sorcières »

Je souhaitais parler de la première sorcière condamnée, finalement suite à cette découverte, mon histoire se déroulera au XVe siècle.

(Retrouvez quelques documents et illustrations de recherche sur le compte pinterest du site Pinterest)

 

Un petit cadeau : l'incipit du roman

(Ce passage a été retravaillé depuis, vous vouez ici les premières inspirations)

Chapitre 1

 

M

ai 1488

 

– Va Jézabel, succombe, et croupi en enfer.

Elle accrocha son regard puis lui cracha ces mots :

– Vos flammes embraseront ma chair, mais pas mon âme.

– Ton âme ! Tu en as fait commerce avec le Diable, elle brûlera avec tes os.

– VOUS êtes le Diable ! Prenez garde, le chemin vers les affres risque bien d’être le vôtre !!

– Tu blasphèmes, encore... baisse les yeux où je te les fais griller avant le reste...

Son regard se posa sur le sol.

– Avoue que tu t’adonnes au sabbat et nous ne te causerons aucun mal, peut-être même auras-tu la vie sauve.

– Je n’ai jamais délaissé le Dieu chrétien, même si lui m’abandonne.

– Le nom de Dieu sonne comme un timbre fêlé dans ta bouche de sorcière. Confesse que tu pratiques l’aéromancie. Nous t’avons vu parler aux arbres et au ciel en faisant de grands gestes.

– Je cherchais juste mon chat.

– Un chat noir, le chat des sorcières…

Puis un signe fut donné au bourreau pour qu’il installât le premier instrument de torture sur la table placée devant elle. Une sorte de griffe conçue spécialement pour les femmes afin d’augmenter la cruauté du supplice et de satisfaire les perversions sexuelles des inquisiteurs.

Elle regarda ce cérémonial de manière détachée.

– Il faudra bien que tu pleures. Tes yeux secs prouvent que tu fais partie de ces femelles hérétiques. Tu pratiques également la géomancie, nous t’avons surprise à ramasser de petits cailloux de façon bien précise sur le chantier de Notre Dame.

– Mon père avait besoin de minces silex ciselés pour son ouvrage. Je connais son métier pour l’avoir suivi très jeune sur ses lieux de taille. Souvent il m’en fait la commande.

Dehors l’orage grondait, la pièce était sombre et l’atmosphère pesante. Seuls quelques bougies et le brasier du four éclairaient les murs de la geôle laissant entrevoir les altérations mal lavées des précédents suppliciés. Odeur méphitique, mélange d’une essence métallique dont on l’imagine provenir d’autres fautes que des outils de fer, de la rouille ou du souffre, le tout rehaussé d’effluves de musc et de sécrétions. Le bourreau installa un genre de griffes dissemblable, qui celles-ci, comportaient cinq doigts et formaient de petits ciseaux. Il les fit fonctionner doucement près de l’accusée afin qu’elle entrevît le grincement de la ferraille. Puis il les referma d’un coup sec avant de les disposer délicatement sur la table comme des objets précieux.

– On m’a rapporté que tu lisais la bible, de quel droit poses-tu ton regard sur ce livre sacré qui ne doit être accessible qu’aux hommes d’Église. Tu parcours les pages de l’Apocalypse, qu’y cherches-tu ? Un moyen de plaire à ton nouveau Dieu ? Te délectes-tu de ce qui arrivera aux pauvres pêcheurs ?

– Pourquoi n’y aurait-il que vous qui ayez le droit à la vérité ? hurla-t-elle. Vos recueils de substitution, que vous donnez aux laïques, sont emplis de mensonges et d’hérésie, ils propagent des croyances païennes destinées à les effrayer afin de mieux pouvoir assouvir vos fidèles à votre règne !

– Sorcière ! Tu blasphèmes contre nos livres saints, la Sainte Église et notre Saint Père Innocent VIII. Ces mots sont un aveu de ta foi mauvaise et de ton orgueil infâme.

– Ma foi est pure et sans tache, c’est la foi d’une femme à qui on a fait cadeau du savoir, c’est la foi de celle qui sera une nouvelle fois sacrifiée par les prophètes de Satan !

– Tais-toi !

Ordre fut donné au bourreau de sortir une sorte de bâillon de fer dont l’extrémité aiguisée formait une pointe destinée à cisailler lentement la gorge jusqu’à la trancher si besoin était.

Elle regarda l’appareil et dit :

– Comment souhaitez-vous que je confesse quelques méfaits dont vous m’avez déjà jugé si vous empêchez mon gosier de tirer quelques sons ?

– Tu avoues donc à moitié mots…

– Non, je porte au jour votre sottise.

Le bourreau compris le signe de l’accusateur et rangea le dernier outil sorti. Il se munit à la place quelques petites pierres finement cisaillées qu’il posa sur les braises.

Après quelques temps et coups de tonnerre résonnants, lorsque les cailloux furent rougeoyants, l’inquisitoire reprit dans le calme le plus absolu.

– Ton prochain repas… — puis silence — avoue que tu pratiques l’hydromancie, nous t’avons vu verser quelque chose dans le puits de notre sainte chapelle.

– C’était une offrande afin que notre seigneur me rende fertile.

– Magie ! Magie ! Sorcellerie !! Au sein même du lieu qui accueille notre très Sainte Vierge tenant l’Enfant Jésus dans ses bras. Le miracle de Notre Dame souillé par tes gestes sataniques. Quel sacrilège abominable ! Tu as loué un culte au diable dans ce lieu pur et sacré, tu as amené ton démon sur notre pavé. Combien de prières et d’huile sainte nous faudra-t-il pour laver ton péché, que dis-je, ta profanation, pour exorcisé le poison que tu as mis dans notre eau bénie. Monstre ! Nous te ferons subir toutes les douleurs de l’enfer au point que le purgatoire te semblera doux.

– En cela vous avez raison, l’enfer c’est vous. Quant à votre purgatoire, je n’en crois pas un traître mot. Maintenant que vous m’avez jugé sur des faits qui ne sont pas des actes de sorcellerie, maintenant que vous me jugez par jalousie, par haine, pour des sentiments qui vous sont propres, maintenant que je suis assurée de mon avenir écourté, je vous fixe, dans le plus profond de vos yeux, car je sais que cela vous effraye. Mon regard vous poursuivra, chaque jour et chaque nuit, cette lueur vous hantera au point d’en devenir fou. Mes yeux sont ceux de la raison et lorsque tout cela sera fini et que vous serez face à vous-même, j’obséderai votre conscience et vous ne pourrez plus vivre autrement que dans la tourmente.

– Des flammes ! Regardez ses yeux rougeoyants et sans larme, elle est possédée, le diable parle en elle on y voit la sécheresse de son cœur. Sorcière ! Sorcière ! Maîtresse de Satan !

Le bourreau et d’autres membres d’église s’écartèrent et se signèrent. Tous avaient pris peur. La mise en scène, le temps grondant et ces dernières paroles prononcées à hautes voix et de façon magistrale, le tout accompagné de gestes francs et désignatifs, avaient autorisées les personnes présentes à constater les faits, et même, de se rendre à l’évidence, de voir de la vérité. Plus aucun doute n’était permis, cette femme appartenait à Belzébuth et elle devait être purifiée par le feu du bûcher.

 

© Le roman a fait l'objet d'une procédure de protection des droits d'auteur auprès de l'INPI 

Vous procurer le roman dans sa totalité

Vous trouverez toute une série de conseils en écriture publiés sur l’année 2017.

Les membres du site ont pu durant cette année voir illustrer ces conseils au fil de l'écriture du Malleus.

Aujourd’hui, l’auteure a publié son roman. Vous ne pourrez donc en lire sur le site que les premières pages. Les conseils, quant à eux, resteront consultables.

 

Un peu de documentation...sur notre Pinterest.

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Commentaires

  • Canope

    1 Canope Le 08/03/2017

    Juste un petit rappel pour ceux et celles qui aiment les romans historiques : je vous invite à vous replonger dans les livres de Jeanne BOURIN, le plus connu étant incontestablement "La Chambre des Dames". Cette historienne, spécialiste de l'époque où se place cette histoire a décrit mieux que personne la situation des femmes,notamment celles de la bourgeoisie, du XIIIème siècle.
    Autre romancière, plus actuelle et qui sait merveilleusement décrire les us et coutumes de cette époque et mettre en valeur les femmes : Andrea H. JAPP. Par exemple, concernant la sorcellerie, j'ai lu dans un de ses ouvrages que même les animaux pouvaient être brûlés pour ce motif !!!
    En tous les cas bravo pour notre auteure ! J'ai hâte de lire la suite.
    Marie-Laure KONIG

    Marie-Laure KONIG Le 08/03/2017

    Merci Canopé pour ces remarques, je cherchais justement des ouvrages de ce genre. Le roman de Renard étant, comment dire... je ne trouve pas les mots. Et votre compliment me va droit au coeur. Je vous souhaite une bonne journée également. Marie-Laure
  • misslou

    2 misslou Le 08/03/2017

    ...et puis je salue le vocabulaire bien choisi qui nous plonge facilement en l'an 1488 et le ton péremptoire très bien rendu. Mon souhait pour la suite : j'aimerai mieux connaître cette femme (qui semble courageuse, avec son franc-parler), son nom et un petit retour sur quelques éléments de son passé. Il y a aussi les mots : aéromancie, géomancie, hydromancie qui mériteraient d'être repris plus tard dans l'histoire pour mieux les comprendre...
    Marie-Laure KONIG

    Marie-Laure KONIG Le 08/03/2017

    Re-bonjour Misslou, J'ai lu toutes vos remarques avec une grande attention et je suis un peu embêtée... Toutes sont extrêmement judicieuses et j'avais déjà songé à la plupart des éléments que vous notez. Je suis ennuyée, car je me dois de vous répondre et mes réponses vont un peu "manger" la surprise de la suite. Alors je vais rester sur la réserve en ne dévoilant pas tout. Lorsque j'écris, j'écris dans le désordre, vous verrez donc quelques retours arrière ou choses qui ne seront pas chronologiquement correctes. J'expliquerai dans un prochain article les raisons de cette organisation. Ce passage donc, sera repris vers la fin du roman, il y aura juste avant une belle description de la pièce et de ses occupants. Ce n'est pas non plus le passage de fin, bien des choses se passeront encore. Le début du roman ne commencera que par les dizaines de premières lignes de ce que vous venez de lire. La semaine prochaine... nous entrerons dans l'histoire avec l'enfance de l'héroïne. Vos commentaires m'ont réconfortée et confortée : j'ai réussi à vous accrocher juste par le fait que vous souhaitiez en connaître davantage sur l'héroïne, c'était le but. Je voulais dérouter mes lecteurs, les surprendre afin qu'ils se posent beaucoup de questions. Merci pour cet agréable moment de partage. Marie-Laure
  • misslou

    3 misslou Le 08/03/2017

    ...je voudrais aussi parler du rythme du texte. C'est un passage assez long, mais en introduction cela convient bien. Il faut toujours veiller à garder l'oeil du lecteur vif !! et casser des longs textes par quelques péripéties ou incidents secondaires pour briser le déroulement trop linéaire et qui risquerait de devenir monotone. On peut aussi déplacer l'action ailleurs pour revenir ensuite sur cette scène...
  • misslou

    4 misslou Le 08/03/2017

    ...l'orthographe est soignée. Il y a quand même un "fasse" qui devrait être "face" dans l'avant-dernier paragraphe de dialogue...
    ecrivonsunlivre

    ecrivonsunlivre Le 08/03/2017

    Oups... "face" : nous allons corriger cela de ce pas ! Pour le reste, nous laisserons à l'auteur le loisir de vous répondre... Peut-être la semaine prochaine dans l'article suivant.
  • misslou

    5 misslou Le 08/03/2017

    ...si les dialogues sont un plus, les descriptions sont souvent mal aimées. Pourtant elles manquent un peu dans ce texte, puisque je ne "voyais" que 3 personnages dans cette scène et je découvre au dernier paragraphe, que tout un groupe de membres de l'Eglise est présent. Je dois alors "corriger" le décor que j'avais imaginé, est-ce bien pour les lecteurs ? moi cela m'a un peu "dérangée"...
  • misslou

    6 misslou Le 08/03/2017

    Nous voici dans l'univers des sorcières !
    La première impression est positive, beaucoup de dialogues c'est un bon choix. Ensuite j'ai plusieurs remarques que je vais fractionner en plusieurs petits messages, puisque, d'un coup, nous prenons un peu le rôle des "sélectionneurs de Louise" apportant nos critiques, nos compliments, nos souhaits par rapport au texte. Nouvel exercice donc, bravo pour ce nouveau roman et pour cette nouvelle idée sur Ecrivons un livre !
    Marie-Laure KONIG

    Marie-Laure KONIG Le 08/03/2017

    Merci Misslou pour votre suivi sans faille ! Nous vous souhaitons une très bonne journée.

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